La soi disant lettre de suicide comportant quatre feuillets, reçue par plusieurs destinataires reprend pour l’essentiel un argumentaire sur l’affaire de Ramatuelle. Elle est le seul argument tangible de la thèse officielle. Il y a deux phrases courtes annonçant le suicide sur la première et la dernière page, le reste de la lettre est un long texte combatif dont le sujet technique (au fond des questions de droit et d’urbanisme) et le style (phrases plus longues d’argumentation) sont complètement différent. Une lettre de suicide qui se termine par une formule de politesse administrative sans le moindre mot pour la famille et les amis sans la moindre référence religieuse alors qu’il était catholique pratiquant…
Le 28 octobre 1979 Robert Boulin écrit une lettre constituée d’éléments de son dossier sur la défense de Ramatuelle. Le 29 en fin de matinée, il envoie son officier de sécurité, l’inspecteur Autié, remettre ce document en mains propres à Monsieur Patrice Blank, son conseiller pour la presse, et Maitre Alain Maillot, son avocat. Cette lettre est la dernière écrite du vivant de Robert Boulin dont on soit sûr de l’authenticité. Ces deux lettres ne seront réclamées que des années plus tard par la justice. A ce jour, elles n’ont toujours pas été récupérées par la justice.
La lettre dite posthume La première phrase de la première page, « j’ai décidé de mettre fin à mes jours» est nettement décalée horizontalement et verticalement du texte. Or cette phrase, ainsi que les quatre dernières lignes, elles-mêmes isolées sur un dernier feuillet séparé, sont les seuls passages de la lettre à faire référence à une intention suicidaire.
L’original des lettres dites posthumes est toujours resté introuvable. Toutes les lettres sont des photocopies à l’exception de quelques mots manuscrits et de la signature. Max Delsol, l’autre inspecteur de Police chargé de la sécurité de Robert Boulin, reconnaît que lui-même, ainsi que d’autres collaborateurs, avaient l’habitude d’imiter l’écriture et la signature du ministre avec son autorisation.
Toutes les enveloppes retrouvées des lettres dites posthumes font le même poids, alors que selon la déposition du postier de Montfort-Lamaury où Robert Boulin aurait déposé ces lettres, certaines faisaient moins de 20 grammes et d’autres plus de 20 grammes.
Quand Robert Boulin quitte, pour la dernière fois, son domicile vers 15h30, la corbeille à papier sous son bureau était vide. Comme chaque jour Julienne Garcia a fait la chambre et vidé la corbeille. Pourtant, au début de la nuit, la famille retrouve dans cette même corbeille un bout de papier dactylographié annonçant le suicide. Le témoignage de Madame Garcia ne sera jamais recueilli par les enquêteurs.
Le 29 octobre au soir, de nombreux « collaborateurs » et relations du ministre débarquent au domicile des Boulin et s’aventurent particulièrement dans le bureau personnel du ministre. Notamment Patrice Blank, que Robert Boulin avait chargé des contacts avec la presse. L’enquête préliminaire ne jugera pas utile de l’auditionner. Il sera par la suite à plusieurs reprises entendu, n’hésitant pas à donner des versions contradictoires et mensongères, gardant pour lui la lettre de Robert Boulin reçue en mains propres de l’inspecteur Autiè.
Aucune lettre ne sera envoyée à la famille, notamment à la mère du défunt. Robert Boulin est pourtant fils unique. Il a donc la charge de sa mère qu’il va voir très régulièrement.
Aucune lettre ne sera envoyée au Président de la République et au Premier Ministre. Aucune lettre non plus adressée à son soutien de toujours, Louis Jung, du journal Le Résistant.
La lettre dite posthume envoyée à Gérard César est adressée à l’Assemblée Nationale. Pourtant, Robert Boulin avait pris l’habitude depuis toujours de lui écrire en Gironde, à Rauzan.
Une des lettres dites posthumes a été remise au Garde des Sceaux, Alain Peyrefitte. Celui-ci ne l’a jamais remise aux autorités judiciaires.
Les lettres dites posthumes sont tapées sur un papier à en-tête obsolète du « Ministère du Travail » que Robert Boulin n’utilisait plus à cette époque, ayant à sa disposition le nouveau papier à en-tête du « Ministère du Travail et de la Participation » dont il faisait quotidiennement usage.
Le 28 octobre 1979, veille de sa disparition, Robert Boulin avait lu dans le bureau de son domicile à sa famille la réponse au journal Monde qu’il était en train d’écrire, avant de dîner de bon appétit en leur compagnie. Le 29 octobre, jour de sa disparition, il avait encore manifesté toute la matinée aux membres de son cabinet la volonté de répondre au journal. La pelure de la réponse, d’un seul feuillet, est retrouvée dans son bureau et remise aux autorités judiciaires. Elle ne correspond en rien au corps de la lettre dite posthume. Elle est datée du 29 octobre 1979 et ne sera jamais publiée par le journal.